Un long chemin de la matière première à la pièce céramique finie.
Deux Biographies écrites par Philippe Davaille (céramiste) et Benedeta Segala (Artiste peintre), qui présente ma démarche artistique. Avec tout mes remerciements à ces deux artistes !!!
Philippe Davaille - Sisteron - 2015
Claire Leboutet Allias Lafroumie
Née le 9 Octobre 1971 à Marseille
Elle grandit à Sillans la Cascade à quelques kilomètres de Salernes
Pays de Terre et célèbre pour ses Tomettes et sa tradition Potière.
La terre, elle la caresse, la mélange, la triture, la bat, elle lui parle aussi ! La terre ne se laisse pas faire : gorgée d’eau, c’est de la boue, sans eau elle sèche ; l’argile et Claire, c’est un corps à corps ! Le plus souvent, c’est Claire qui gagne, qui la dompte, qui l’apprivoise. La terre, c’est son amie, sa partenaire, sa complice, son adversaire. Mais quelle histoire d’Amour et de passion ! Terre à faïence, à grès, à porcelaine, « terre à papier », peu importe … Il faut tout essayer. Il faut même aller la chercher dans les recoins d’un paysage . La terre ne se livre pas toujours chez un marchand.
L’idée ne précède pas la forme. C’est ses mains qui pensent. L’idée vient en même temps que les mains creusent, étirent, compressent. Pas de détail alambiqué, de fioritures baroques : chez Claire « c’est du brutal ». Après tout, la terre, c’est du minéral, même si certains choisissent d’en faire de la dentelle.
Du minéral, il y en a partout et de toutes les couleurs : oxydes et carbonates de cobalt, de cuivre, de manganèse, de fer et de bien d’autres … Et Claire aime les couleurs : « il faut que ça pète » ! La forme donnée à la terre est d’abord un support à la couleur. Pour que la couleur « tienne » sur le support, il faut fabriquer une glaçure (vitrifier silice et feldspath et « oxydes fondants »). Un genre d’alchimie. Claire devient alchimiste, mais pas question de calculs compliqués de masses molaires. On y va « à la louche » selon son expression, et on fait des essais en pagaille, pour trouver la meilleure combinaison des éléments.
Epreuve du feu.
Pour cuire l’argile et l’émail, il faut un lieu. Claire essaye tout : cuisson en fosse, four à sciure, four à papier, four dans un vieux frigo désossé, four à quatre brûleurs. Mais pas n’importe quel combustible : du bois ou du gaz. Claire veut « entendre » chanter le feu, écouter le ronron des brûleurs : « il faut que ça chauffe ! ». Elle doit rester là des heures, accompagner le feu, respirer à son rythme, lui faire faire des paliers, le mener à son terme … Puis laisser lentement refroidir jusqu’au défournement et découvrir des surprises. Le résultat vient de la maîtrise de la céramiste, mais il faut compter sur « la part des anges » ou plutôt sur la part du feu.
Bonheur de tout ce qui est réussi, philosophie stoïque devant une pièce détruite. Mais Claire « fait feu de tout bois » ; la seule pièce cassée, longuement analysée après la déception première, devient un enseignement, au même titre que toutes les pièces réussies.
Un long chemin de la matière première à la pièce céramique finie. Un long chemin aussi d’imaginaire, d’astuces, d’intuition, de trouvailles et de travail.
Claire peut alors MONTRER l’ouvrage. Exposer. « Nous avons bien travaillé, le Feu et moi ! » … Regardez ! Et touchez aussi !
La pièce vit sa vie. Elle s’expose elle-même, se met en valeur, appelle quelqu’une ou quelqu’un qui l’aimera, qui aimera ses couleurs, sa texture, qui voudra se l’approprier.
Et Claire, l’alchimiste, reste derrière elle… dans l’ombre, rêvant déjà à sa prochaine Création.
Benedetta SEGALA Merbok - Malaisie, le 9 février 2016
Claire Leboutet poursuit le rêve dans la matière depuis des années, avec la constance ardente de la passion. Elle accompagne les évolutions et transformations minérales, alchimie secrète liée à la terre, comme une mission. Matrice d’argile, grès et des différentes terres et émaux locaux, tous collectés dans son environnement proche, ou sur des lieux découverts lors de recherches collectives organisées par l’Ebauchoir lors de « Géopotes »(rencontres de Géologue et de potiers) , parce qu’elle se nourrit de la beauté qui l’entoure et du savoir-faire ancien de ses lieux, depuis toujours imprégnés par l’art de la céramique. Elle collecte et choisi les terres, les minéraux, les oxydes et les émaux, directement depuis la nature environnante à son four, en attente d’étonnantes transformations d’alchimiste. J’ai suivis les nombreuses évolutions du travail de Claire, comme des moments de respiration, toujours fascinée par la volonté de l’artiste d’être authentique et profonde, tout comme la terre. Il y a toujours une identification symbolique forte entre l’artiste et le matériau qu’elle utilise pour créer, un dialogue fait de temps et d’amour inconditionnel, pour ne pas rester étranger l’un à l’autre. Elle a la capacité de faire éclore formes et couleurs presque ancestrales, dans ses envoûtantes brume-fontaine, comme dans ses tomettes artisanales ou encore ses sculptures végétales. Lambeaux d’argile, croûtes oxydés, rayures, déchirures en élégance dans l’absolue, essentiel et unique travail d’art de Claire Leboutet.